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Les défis des essais cliniques en oncologie : perspectives des patients et des professionnels

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Dans les essais cliniques en oncologie, chaque décision et chaque résultat peuvent avoir des conséquences vitales pour le patient.

Pour les patients atteints d’un cancer, participer à un essai clinique représente un défi émotionnel et physique considérable, marqué par :


- Un suivi plus lourd, par rapport aux protocoles de traitement standard avec des visites à l’hôpital et des examens plus nombreux et plus fréquents. Par exemple, certains patients sont amenés à effectuer des scanners toutes les 3 à 6 semaines et cela peut accroitre leur fatigue et la pression psychologique qu’ils ressentent.


- Une incertitude quant à l'efficacité du traitement. Bien qu'il existe un espoir que le traitement expérimental fonctionne, il demeure toujours une probabilité que cela ne soit pas le cas. Cette dualité entre espoir et incertitude peut avoir un impact important sur l’état d’esprit des patients.


- Une diversité d'interlocuteurs, avec l’implication des professionnels de recherche clinique (en plus de l'équipe médicale). Cette multiplicité de contacts peut entrainer une confusion accrue et une charge mentale/émotionnelle supplémentaire aux patients.


Malgré ces difficultés pouvant générer de l’anxiété et de l’inquiétude, de nombreux patients décident de participer à un essai clinique dans l'espoir d'améliorer leur qualité de vie et leurs chances de survie.


Comme pour tous les essais cliniques, l’étape marquant le début de la participation d’un patient est la signature d’un consentement libre et éclairé.

En oncologie, les documents d'information demandent encore des efforts de clarté, concision et lisibilité. En effet, la conférence nationale des comités de protection des personnes a examiné les questions soulevées par ces comités lors de l'évaluation des essais cliniques de médicaments en oncologie déposés sur le système d'information européen en 2022 [1].


Ce rapport met en lumière les problèmes rencontrés par ces comités au cours de la première année de mise en œuvre du règlement européen 536/2014. L'objectif étant d'identifier et de présenter ces problèmes afin de formuler des propositions d'amélioration à l'attention des investigateurs et des promoteurs [1].

Un document de 30, 40 voire 78 pages n'est pas lisible par les patients et met à mal le processus de réflexion et de consentement éclairé [1]. Or, les recommandations françaises sont en faveur de documents d'une quinzaine de pages maximum [2].


En plus de cette problématique, l'analyse d'un échantillon de dossiers d'essais cliniques de médicaments en oncologie déposés sur le CTIS (Clinical Trial Information System) témoigne d'une certaine hétérogénéité de la qualité des projets de recherche clinique (Tableau II, Bahans C. Et al. 2023).

La proportion de dossiers ne soulevant aucune question sur le protocole augmente, signe d'une amélioration des schémas d'étude proposés. La conception et l'élaboration de protocoles soigneusement réfléchis et argumentés permettront sans aucun doute de poursuivre cette dynamique [1].



Bahans, C., Couderc, B., Leymarie, S., Hirsch, F., Chapuis, F., & Rage-Andrieu, V. (2023). Règles éthiques pour la conception d’un essai clinique en oncologie. Bulletin du Cancer. https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2023.07.006


La gestion des essais cliniques en oncologie représente un défi de taille pour les ARCs (attaché de recherche clinique) hospitaliers et promoteurs

Les protocoles d’essai clinique en oncologie sont complexes et incluent de multiples visites de suivi, de nombreux prélèvements biologiques et d’autres examens tels que, des biopsies ou des scanners.

Ces spécificités compliquent le suivi de la recherche et ajoute une charge de travail considérable à l'équipe investigatrice. De plus, la multiplicité des acteurs impliqués dans les essais cliniques nécessite une coordination opérationnelle, logistique et managériale efficace pour mener à bien les essais, d'où l'importance d'une bonne communication entre professionnels.


La nature des traitements administrés aux patients, tels que la chimiothérapie ou l’immunothérapie, entraîne fréquemment des effets indésirables graves, nécessitant une déclaration et un suivi rigoureux de la part des ARCs hospitaliers.


Le recrutement des patients est une autre étape complexe dans la conduite d’essais cliniques en oncologie. Des estimations erronées du nombre d'inclusions potentielles par les centres pendant la phase de faisabilité sont fréquentes. De plus, les critères d'inclusion/exclusion trop nombreux et l’inadéquation des protocoles avec la réalité du terrain peuvent compliquer davantage le processus d’inclusion des patients pour les équipes investigatrices.  


En conséquence, les objectifs des inclusions en oncologie sont rarement atteignables sans prolongations de la durée de l’essai, ajoutant ainsi une lourdeur administrative et logistique pour les ARCs hospitaliers et promoteurs (modifications substantielles, mise à jour et gestion documentaire, etc.).


Pour cela, la simplification des protocoles et l’identification des données cruciales à analyser peuvent contribuer à améliorer leur faisabilité et à les rendre plus réalisables sur le terrain. Il est impératif de mieux évaluer la faisabilité des études et d'adopter une approche plus réaliste dans la planification et réalisation des inclusions dans chaque centre.


Du côté des promoteurs, la coordination et le monitoring des essais en oncologie implique souvent de nombreux déplacements, des rapports complexes et longs malgré les outils mis en place, et un niveau de stress élevé lié aux contraintes de temps. Cette pression est d'autant plus forte pour les ARCs promoteurs débutants, qui doivent acquérir une certaine expérience dans le domaine.

 

Le choix de travailler dans le domaine de l'oncologie demande donc un vrai engagement et une base scientifique solide. Malgré cette dernière, la formation actuelle des ARCs est souvent jugée insuffisante par les professionnels impliqués dans la conduite des essais en oncologie. Des séances de formation plus approfondies et personnalisées, ainsi que des ressources disponibles pour l'autoformation, pourraient renforcer les compétences nécessaires pour une gestion plus efficace de ces essais.


Les ARCs hospitaliers doivent être suffisamment organisés pour gérer la complexité des protocoles et la charge de travail associée, tout en restant à l'écoute des besoins et des préoccupations des patients.


Au cœur de cette relation patient-professionnel se trouve une expérience humaine forte, avec parfois un impact psychologique important nécessitant une grande résilience et une capacité d'adaptation.


Même si la perte d’un patient peut être mal vécue, les professionnels de la recherche clinique apprennent, au fil du temps et de l'expérience, à garder espoir. Ils s’engagent continuellement à offrir des traitements efficaces dans le but d'améliorer la qualité de vie de leurs patients.

L'une des difficultés auxquelles ils font face est de maintenir une distance émotionnelle tout en offrant un soutien empathique aux patients. Pour beaucoup, trouver cet équilibre est un défi, surtout au début de leur carrière.


Chaque professionnel réagit différemment aux défis émotionnels. Certains sont naturellement plus sensibles, tandis que d'autres semblent plus détachés. Cependant, tous doivent apprendre à gérer le poids émotionnel de leur travail, souvent, sans suivi psychologique.


Ce constat est vivement illustré par le témoignage poignant de Nathalie Bréda, ARC hospitalier, dans son texte du 15 septembre 2018 : « Comment ne pas s'attacher à un patient qu'on voit régulièrement, parfois plusieurs années, dont on sait ce qu'il traverse dans les moindres détails, le nombre de nausées par semaine, le nombre de transfusions depuis la dernière consultation. L'attachement me paraît inévitable, moi qui suis une éponge à émotions. Et c'est là tout mon problème. Je me rappelle de nombres de patients au cours de ces neuf dernières années. Des patients qui m'ont marqué. Certains sont morts, parfois brutalement. J'ai été touchée, attristée, affectée par leur mort. Ces personnes qui ne sont ni de ma famille ni de mes amis. Et que j'ai pourtant appris à connaître au fil des consultations, que j'ai rassurées comme je pouvais.

Un médecin m'a dit un jour que j'étais trop empathique. Ma grand-mère maternelle disait toujours : on ne peut pas être trop, on peut être très, mais on ne peut pas être trop.» Moi, Nathalie, technicienne d'études cliniques (TEC).


En combinant une expertise scientifique, un engagement humain et les ressources adéquates, les obstacles rencontrées dans les essais en oncologie peuvent être surmontés. Cette approche permettra de faciliter le processus des essais pour les professionnels et d'offrir de meilleures perspectives aux patients.


Sources :

1 : Bahans, C., Couderc, B., Leymarie, S., Hirsch, F., Chapuis, F., & Rage-Andrieu, V. (2023). Règles éthiques pour la conception d’un essai clinique en oncologie. Bulletin du Cancer. https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2023.07.006


2 : Outil d'aide à la rédaction d'un document d'information. https://sante.gouv.fr/IMG/ pdf/note-dinformation-riph1-dgs.pdf

 


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